Pour la première interview de ce blog, j’avais très envie d’échanger avec Gabriel alias Togusa. Créateur de la chaîne Youtube NovaCorp, il est aussi en pleine campagne de financement participatif pour son jeu de rôle Doxa (Déjà 86% financé !). Avec ses 24K abonnés YouTube, la technologie à travers les œuvres de fiction fait partie des thèmes récurrents de ses vidéos.
Le CyberPunk est notamment un univers qui lui est cher, alors je me suis dit qu’il serait intéressant d’en discuter et d’en faire une comparaison avec le monde d’aujourd’hui.
En quelques mots, comment décrirais-tu le CyberPunk ?
Il s’agit d’une anticipation d’un futur dystopique. Le CyberPunk se concentre sur des thématiques telles que le transhumanisme (la fusion entre l’humain et la machine), le simulacre (tel qu’on peut le retrouver dans l’oeuvre de Jean Baudrillard), le capitalisme à outrance, ou encore la lutte des classes. Le tout englobé dans un milieu technologique où l’information est sujette à des batailles entre citoyens et grandes entreprises. En général, les antagonistes sont des antihéros. On retrouve souvent des gens comme toi et moi qui cherchent à se sortir des difficultés de la vie, mais dans un monde oppressant.
Tu as utilisé le terme « dystopique », pourtant dans l’une de tes vidéos tu dis que certaines œuvres de CyberPunk peuvent être utopiques … ?
En général c’est plutôt de la dystopie, mais effectivement certains aspects du genre peuvent montrer une utopie. William Gibson, l’un des pères fondateurs du CyberPunk, disait qu’il s’agissait d’une « utopie capitalisée vécue par ceux qui ne peuvent l’atteindre ». C’est-à-dire une utopie pour le monde des entreprises et du capitalisme, mais vécue par des gens exclus de cette société. C’est une utopie dans la mesure où la technologie permet un meilleur accès à l’eau, la nourriture, les soins, l’information… Les auteurs de CyberPunk cherchent à créer un futur plausible tout en imaginant les dérives qui en découlent.
On a parlé de CyberPunk au travers les oeuvres de fiction, mais penses-tu, à titre personnel, que ce genre est un avenir pour le monde réel ?
Beaucoup de gens pensent qu’il existe déjà des villes CyberPunk. Tokyo et New-York sont souvent cités comme des exemples vivants. Finalement le CyberPunk n’est peut-être pas notre futur, mais plutôt une exagération du présent. À Tokyo les gens sont les uns sur les autres, la technologie est omniprésente, l’humain devient un objet de marchandise, etc …
Oublions le CyberPunk un instant, penses-tu que la technologie va nous sauver ou au contraire allons-nous vers un futur dystopique à la Black Mirror ?
Personnellement, je suis complètement pour et je considère que c’est la technologie qui va nous sauver. Elle a déjà commencé à le faire. L’humain est devenu imprévisible et a du mal à s’auto gérer. On construit parfois des lois absurdes qui ne conviennent pas à l’ensemble de la population. Ainsi cela ne me dérangerait pas s’il existait une intelligence artificielle capable de nous conseiller sur la manière dont nous devrions gérer nos problèmes. (Environnementaux, politiques, etc …) Néanmoins, si aujourd’hui j’écris justement du CyberPunk, c’est aussi pour mettre en garde sur les dérives de la technologie. Mais un tel futur n’arrivera peut-être jamais : les conflits dans le monde ou encore la surutilisation de nos ressources environnementales finiront par retarder, voire annuler, l’arrivée d’une singularité technologique. L’objectif pour l’homme aujourd’hui n’est plus de se concentrer sur le développement de la technologie, mais sur celui de l’écologie.
De nos jours, on observe de plus en plus de personnes qui ont une confiance aveugle en la technologie, quitte à perdre leur indépendance. Typiquement des gens qui n’arrivent plus à se diriger seuls dans une ville sans l’aide de Google Map. Dans les oeuvres de CyberPunk, on observe des héros extrêmement brillants pourtant reliés complètement à la technologie. Finalement, n’y a-t-il pas là un manque de réalisme ? Deviendrait-on complètement stupide si nos cerveaux étaient reliés à un internet 2.0 surpuissant ?
Je ne pense pas que c’est la technologie qui va rendre bêtes les gens, mais c’est plutôt la manière dont on la met en scène. On peut aujourd’hui apprendre davantage avec internet que dans une école dans les années 50. Des plateformes comme YouTube permettent de partager de la culture à des gens qui n’ont pas été bercés dedans. Par exemple dans ma famille la culture n’avait que très peu d’importance, nous allions très peu au cinéma et on ne me faisait pas lire de livres. C’est internet qui m’a permis de m’initier à la culture et de découvrir beaucoup d’oeuvres. Le problème c’est la banalisation de la technologie, on doit prendre conscience de la puissance de ces outils pour pouvoir s’en servir correctement. C’est la présence d’applications conçues pour voler du temps aux utilisateurs qui les rendent bêtes, pas la technologie en elle-même.
Merci beaucoup d’avoir pris le temps de répondre à mes questions. J’invite aux lecteurs qui te découvrent à venir jeter un oeil à ta chaîne YouTube, mais aussi à ton jeu de rôle post-CyberPunk Doxa, actuellement en campagne de financement participatif sur Ulule. Il est encore possible de contribuer à ce beau projet.
Mise à jour: La campagne de financement participatif de Doxa a désormais dépassée les 100% !